Un article sur le site d’Amylee

Ma consoeur artiste Amylee a présenté mon travail dans un bel article. Je la remercie pour sa gentillesse et je la félicite encore pour son excellent site et pour son professionnalisme. Parce qu’un artiste de notre temps n’est pas qu’un peintre, c’est surtout un véritable professionnel qui s’investit à 100 % dans son activité, un entrepreneur, un bloggueur, un diffuseur de passion. Autant de points communs que je partage avec Amylee.  

Cliquez sur l’image pour lire l’article et profitez-en pour faire le plein de conseils, de couleurs et de bonne humeur sur le site d’Amylee.

Article Amylee

Art-thérapie : le témoignage d’une thérapeute

Dans le cadre de mon « carré VIP », chaque mois je reçois un(e) passionné(e) qui nous partage une réflexion sur l’art.
L’article ci-dessous est un article invité rédigé par Alexandra Keloghlanian, art-thérapeute.
« Nous ne voyons jamais les choses telles qu’elles sont, 
nous les voyons telles que nous sommes. » 
Je m’appelle Alexandra Keloghlanian et j’ai aujourd’hui 36 ans. Après mes études en Allemagne ou je suis née, j’ai suivi une formation de design publicitaire à Stuttgart pendant 4 ans.
Il y a 7 ans, j’ai découvert l’art-thérapie. Cette découverte a beaucoup influencé mon parcours artistique en modifiant et libérant ma manière de créer et de ressentir les couleurs et les formes. Elle a aussi remué, confirmé, remis en question, dévoilé et découvert certaines choses en moi. C’est une aventure passionnante et interminable…
A l’époque, j’étais activement à la recherche d’un changement personnel et professionnel dans ma vie, mais je n’arrivais pas à formuler clairement cette recherche. C’était une insatisfaction générale qui me pesait de plus en plus. Professionnellement, je ne pouvais plus continuer dans la même voie. J’étais secrétaire bilingue en congé parental dans une entreprise allemande implantée en France. Maman de deux enfants, ma fonction de mère de famille ne me suffisait plus. Il y avait un grand vide personnel. Je me remettais beaucoup en question. Le besoin d’aller vers moi pour m’ouvrir à nouveau aux autres devenait de plus en plus pressant.

Fresque de groupe – Objectif : trouver sa place. 
Se mettre en valeur à travers les autres, être mis en valeur par la dynamique du groupe.
Ma rencontre avec l’art-thérapie
Pour revenir à cette rencontre inattendue avec l’art-thérapie, je n’imaginais pas trouver un changement personnel qui implique autant ma personne, mes ressentis et expériences, mes souvenirs conscients ou inconscients. J’insiste sur le mot rencontre, parce que, plus tard, durant ma formation avec l’association régionale du Nord Pas de Calais Puzzle, j’ai découvert à quel point le « processus thérapeutique dépend en grande partie de la qualité de la rencontre qui est un des outils de l’art-thérapie ».
La qualité de ma rencontre avec l’art-thérapie était le facteur déclenchant. Il y a eu, bien sûr, des grands moments de réflexion. Se lancer à 30 ans dans une formation nouvelle, dans un autre pays, n’était pas évident. C’est en participant à différents ateliers d’art-thérapie avec Puzzle, que j’ai pu conforter ma motivation pour cette formation.
Ce qui m’a toujours encouragée dans cette formation, et qui continuera à le faire, est le fait de savoir que cette découverte de soi est infinie. C’est important de rester dans cette démarche pour être ouvert à soi et aux autres. Les effets positifs de mes expériences personnelles en art-thérapie et les expériences de patients en stages cliniques me confirment l’importance de ce travail en art-thérapie ; ils resteront à jamais le moteur de mes démarches, autant personnelles que professionnelles.

Atelier argile à plusieurs –  Objectif : Travail sur la relation à autrui. Comment créer par rapport à la création de l’autre ? 
Travail sur ses propres limites et celles de l’autre. 

 
Atelier argile en binôme.
Objectif : travail sur la relation à l’autre.

La perception par la « carte du monde »

La découverte de ma « carte du monde » m’a fait beaucoup avancer en ce qui concerne mon écoute ou ma tolérance envers les autres. « La carte du monde » est un système de perception et d’interprétation dont chacun de nous dispose. Comme notre conscience ne possède pas d’accès direct à la réalité, les stimuli que nous envoie l’environnement passent par une série de filtres perceptifs. Ces filtres se composent d’ordres physiologique, culturel et individuel : les organes des sens, le langage que nous parlons, nos croyances, valeurs, attitudes, souvenirs, qui sont des acquis collectif et individuel.

Ces filtres transforment toute sensation en une perception qui dépend de ce que nous sommes ; ce qui m’a fait comprendre l’importance de s’ouvrir à la diversité de ce système de perceptions des autres. 
En étant consciente de ma propre « carte du monde », il est pour moi important de la laisser de côté, en situation d’écoute, afin de pouvoir m’ouvrir le plus possible à celle de mon interlocuteur pour ne pas le juger et rester neutre le plus possible. Les mots n’ont pas la même signification pour tous, et même en accord, la communication est une approximation personnelle de la réalité. En prenant en compte la « carte » de l’autre, il est important de l’assimiler à d’autres formes d’expressions (corporelle, artistique …). Cela me permet de prendre conscience de la personne dans son ensemble, au lieu de la comparer à mes premières impressions liées à des croyances, valeurs et expériences personnelles. C’est en cela que la première rencontre peut nous tromper et nous amener à faire fausse route. Il est donc important pour moi de garder en tête la qualité de la rencontre. Laisser sa « carte » de coté demande beaucoup de rigueur, car elle définit une partie importante de notre personnalité. Il me semble que cette démarche est indispensable pour toute relation d’aide et de transfert positif. Cette démarche de juste présence du thérapeute est indispensable à tout ce qui se vit dans l’espace atelier. « Juste présence qui implique non seulement sa disponibilité au vécu global du patient mais une ouverture plus consciente à ce qui l’habite lui-même ».
Le processus de filtrage qui alimente notre carte du monde, est en quelque sorte un processus réducteur de notre connaissance de la réalité. Ce sont aussi des processus indispensables à cette connaissance, qui permettent de transformer la réalité en signes intermédiaires entre elle et nous. C’est grâce aux processus réducteurs que nous rencontrons le monde de la façon qui nous est accessible. Il s’agit d’un processus de contrôle et de réajustement de nos connaissances qui font référence à nos valeurs, croyances et critères qui sont hérités de notre ascendance et remodelés par notre apprentissage de la vie.

« Laisser la porte ouverte au possible pour entreprendre un voyage 
au pays de la découverte de soi »

 

Mandala écoute créative 1 – Objectif : favoriser le lâcher-prise. 
La première étape consiste à tracer des traits avec un crayon les yeux fermés sur un fond musical. 
A la deuxieme étape il faut remplir les formes spontanément avec les couleurs. 
Travail en lien avec l’inconscient : que disent ces couleurs et ces formes ?…
Je pense qu’en tant qu’art-thérapeute, on ne peut s’occuper de l’imaginaire des autres si on ne connaît pas le sien. C’est pourquoi il est important pour moi de travailler constamment sur moi-même, de me remettre en question pour pouvoir avancer et ne pas transmettre des vérités toutes faites.
Les ateliers vécus durant ma formation ont été autant surprenants que révélateurs, émouvants ou blessants, mais toujours enrichissants.
Je suis consciente de n’avoir découvert qu’un petit aperçu de ce qui est encore possible, parce que l’expression artistique sous toutes ses formes révèle, dans sa dimension symbolique et sa signification personnelle, de multiples aspects de la relation avec soi-même et le monde extérieur. Mes expériences personnelles, surtout durant les stages en clinique en art-thérapie, m’ont aidée à avoir plus confiance en moi et d’être consciente de mes limites et capacités à travailler dans une relation d’aide. Connaitre ses propres limites est indispensable pour savoir jusqu’où on peut aller dans la relation d’aide. Ce n’est pas un défaut d’avoir des limites. Il est important de les respecter afin de mieux aider l’autre.
J’ai notamment pu constater à quel point il est nécessaire de faire confiance aux possibilités de chacun ; c’est cette conviction que chaque personne est capable de trouver en soi cette créativité transformatrice, qui m’a permis de mener à bien mon travail d’art-thérapie et de m’impliquer dans cette relation d’aide où le lien entre le thérapeute et le patient est basé sur une confiance mutuelle.
C’est le respect du cadre de l’atelier, qui se réfère à un cadre solide, qui est ensuite renforcé par l’acceptation du contenu artistique. La confiance mutuelle est basée sur la neutralité, sans jugement ni interprétation du contenu.

Dans les ateliers que je propose en art-thérapie, ou encore dans mon activité associative auprès d’un atelier d’art-thérapie des Restaurants du Cœur, l’œuvre est considérée dans son contenu, sans interprétations, se gardant ainsi des dérives possibles. C’est-à-dire en considérant uniquement le rapport entre le fond et la forme du contenu artistique de la production. Mais elle n’est pas l’objectif final, c’est le processus créatif du patient qui est intéressant dans le protocole de prise en charge mis en place avec la personne. C’est le cheminement de transformation qui a lieu tout au long de cette création qui agira sur le mal-être de la personne. C’est par rapport à ses révélations, découvertes et émotions que le patient s’approchera un peu plus de lui-même. C’est justement ce travail d’acceptation et de transformation par un processus symbolique qui est fondamental en art-thérapie. Symboliser les événements, dessins, objets créés, est un moyen par lequel se transmet efficacement un message à notre inconscient. Car l’inconscient est « primitif » voir « enfantin » et à l’aide d’images, symboles et couleurs, accompagnés d’émotions, il y a un message qui se grave en lui. 
Par la symbolisation en art-thérapie les choses s’inscrivent dans notre inconscient et en parallèle dans la réalité.
Les possibilités de l’art-thérapie sont multiples et inépuisables
Aujourd’hui, je propose des ateliers d’art-thérapie en libérale et je souhaite également poursuivre ce travail d’accompagnement d’enfants, d’adolescents et d’adultes par l’intermédiaire de mon association Expressions Colorées, afin de faire connaître l’art-thérapie qui est encore méconnue, donc mal comprise. L’association a été créée en 2009 avec comme objectif de faire découvrir l’importance de la création, la transformation, l’acceptation dans un cheminement thérapeutique. Par les ateliers que je propose, j’invite les intéressés à expérimenter une grande variété d’outils artistiques et surtout, le travail du masque comme objet médiateur.

Fresque silhouettes – Objectif : Travail sur l’image du corps et sa place dans le groupe.
Une personne se met devant la grande feuille posée sur le mur et une autre personne trace sa silhouette. Ensuite la personne remplit sa silhouette de formes et de couleurs au milieu de toutes les autres. 

Conclusion

Pour tout ceux qui se sentent attirés par l’art-thérapie, je conseille de participer au moins à un stage ou un atelier d’art-thérapie pour pouvoir expérimenter personnellement cette méthode.
L’art-thérapie n’est pas seulement un métier, mais une passion, une vocation dans laquelle on s’implique entièrement. La formation est un travail personnel qui confronte le futur art-thérapeute à ses propres problèmes et a ses propres limites
Il y plusieurs façons de suivre la formation  : soit par les Universités (Paris ou Tours) ou de multiples écoles privées, qui sont, pour la plupart accréditées par la Fédération Française des Art-Thérapeutes. La fédération est la seule reconnaissance pour les art-thérapeutes aujourd’hui.
Ce que je peux dire aux futurs art-thérapeutes est de s’écouter et de faire confiance à leurs propres ressentis. Il est encore difficile de trouver un emploi dans ce domaine, mais il ne faut pas se décourager. 
Ce qui m’encourage chaque jour à me battre pour la reconnaissance de l’art-thérapie c´est ma persuasion de l’effet bénéfique, les résultats encourageants et aussi la demande croissante des personnes en détresse découvrant ce genre de thérapie.
À ceux qui s’engagent dans cette formation, je souhaite beaucoup de plaisir et de curiosité dans cette belle aventure !
À ceux qui découvrent l’art-thérapie… Faites vous confiance ! 
Merci pour votre intérêt.
«Il n’y a qu’une chose qui puisse rendre un rêve impossible
c’est la peur d’échouer. » (Paolo Coelho)

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Un grand merci, réitéré publiquement, à Alexandra pour ce magnifique témoignage ! Chers Amis Lecteurs, si vous voulez réagir, je vous invite à vous exprimer dans les commentaires  !  (^_-)

Quelques idées sur la création en peinture

Dans le cadre de mon « carré VIP », chaque mois je reçois un(e )passionné(e) qui nous partage une réflexion sur l’art.
L’article ci-dessous est un article invité rédigé par Roy Pallas.
Bonjour, je m’appelle Roy Pallas, je suis l’heureux auteur du blog le dessin. J’ai fait des études d’arts plastiques et ai obtenu mon master l’année dernière. Bien que le dessin soit ma passion première, mes projets artistiques sont très diversifiés (photographie, sculpture, découpage…) et je ne pratique pas du tout la peinture ^^. Oui ça peut sembler étrange puisque je viens de finir un article sur ce sujet en tant qu’invité sur le blog de Diane. En fait si je me permets de poser quelques lignes sur ce thème, c’est parce que j’ai le souvenir d’un livre très intéressant qui m’a été suggéré par mon professeur de peinture pendant ma licence.

L’ouvrage s’appelle « L’œuvre picturale et les fonctions de l’apparence » de René Passeron. C’est un des rares livres de peinture que j’ai lu et surement le plus inspirant. Ce doit être parce que l’auteur pratique la peinture en plus d’être un théoricien aux idées inspirantes. J’ai toujours une petite retenue face aux ouvrages de théories pures écrits par des penseurs qui n’ont jamais eu d’expérience artistique.

Là ce n’est pas le cas, l’auteur sait de quoi il parle et tout son texte transpire l’expérience. Il livre ses impressions avec des détails que seul un artiste peut saisir. Ce qui m’inspire le plus dans son ouvrage c’est que l’auteur ne parle pas seulement de peinture, je veux dire que ses idées s’appliquent à d’autres domaines.

Je pense que tous les artistes quelque soit leur art, peuvent se reconnaitre dans ses propos. Les sensations que René Passeron décrit pendant toutes les étapes de l’exécution de l’oeuvre me touchent également bien que je ne sois pas dans la peinture.

Ce livre est très peu connu, alors j’ai proposé à Diane de faire un résumé d’une partie de l’ouvrage qui puisse être intéressant pour ses lecteurs. J’ai choisi de parler en particulier de la partie « plaisir et peine », parce que ce chapitre englobe la relation entre le peintre et son œuvre, le temps de la production, la préparation à l’exécution, l’achèvement de la toile…

Bref ce chapitre pourrait être un livre à part entière. J’espère que les idées que vous trouverez dans cet article vous inspireront.

Les sentiments dans la création

Dans un premier temps l’auteur nous parle du peintre au travail et du fait que celui-ci n’est jamais complètement heureux de peindre. René Passeron fait une distinction entre cet état de bonheur (une « détente béate ») et une certaine forme de désespoir qui anime l’artisan devant sa toile.
Le travail est d’abord une entreprise puis un effort avant d’être une œuvre. Le peintre durant sa besogne se situe entre deux frontières affectives (plaisir et peine) qui sont les seuils de la mobilisation de sa propre énergie. Un ami artiste m’a raconté que la création (la vraie) ne se faisait jamais dans la détente mais qu’elle met toujours le créateur dans le trouble, l’inquiétude, la réflexion.
L’auteur met quand même une réserve en précisant que le seul véritable ennemi du peintre, le seul qui peut nuire à son travail est la pensée du « à quoi bon ? « . La lassitude qui serait non pas un oscillement entre deux sentiments mais un mouvement à une seule direction qui ferait disparaitre toute volonté créative, qui la figerait en quelques sortes.
Le « à quoi bon ? «  cristallise, alors que l’entre-deux est dominé par l’action, une sorte de combat pour la vie, pas celle du peintre mais pour la naissance de sa toile.
L’imaginaire
Il est également question d’un entre-deux temporel. Le peintre se situe entre deux instants, entre celui de la touche qu’il vient de poser et celle qu’il va choisir de mettre juste après. Il n’évolue donc pas d’une manière linéaire, sa trajectoire est dictée par son imagination du moment.
Je ne suis pas peintre mais je pense qu’il est facile de voir de quel sentiment il s’agit, lorsque l’on se retrouve devant son travail et qu’il nous faut choisir comment le poursuivre. Quel élément ajouter ? De quelle taille ? Tourné vers quelle direction ?…
L’imaginaire est ce qui va permettre au peintre de progresser sur sa toile. Ainsi il est souvent profitable pour eux de faire le « vide » avant de se lancer dans une production picturale. Devant leur support, certains se concentrent pour ne penser à rien, pour faire « table rase » et ainsi être plus réceptif aux idées qui vont survenir lors de l’exécution du tableau.
Ce dernier est comme une sorte de « néant visuel » qui sert à faire place à quelque chose, une vision encore inexistante du peintre.Que l’artiste soit calculateur ou plutôt lyrique dans sa gestuelle, il y a préalablement un recul devant la toile avant de créer. D’ailleurs dans sa définition, le créé ne peut être connu par avance, c’est en œuvrant qu’on le découvre.
Chez certains peintres, cette gestation inconsciente se traduit par une irritabilité de l’humeur et quelquefois un malaise qui sert de déclencheur du travail.
Il y a des moments où l’imagination de l’artiste lui joue des tours. Quelquefois, il croit pouvoir tenir le fil du projet, il croit voir clairement toutes les étapes de la construction du tableau et l’instant d’après, tout disparait comme un mirage dès les premières esquisses.
Le peintre se trouve démunie contre cette fuite incontrôlable de l’image de sa peinture. Ce n’est ni la faute du matériel, ni celui des outils, mais celle de l’ouvrier. Bien qu’il y ait mis toute sa bonne volonté, les circonstances, (une touche posée en plus, une couleur différente de ce qu’il imaginait produire…) ont fait que le fil de l’image s’est cassé.

La relation œuvre/peintre
L’œuvre en train d’être construite exerce une tyrannie sur son créateur. L’auteur compare le travail de l’artiste à une bête qui n’existe que pour le peintre et nulle autre personne. L’œuvre dicte ses règles, c’est elle qui pose ses questions.
A partir du moment où le peintre tente d’y répondre, c’est toute sa vie qui est sollicitée. Ses sentiments, tout ce qu’il verra, sera orienté par rapport à ces problèmes qui l’empêchent d’achever sa création. C’est ce rapport œuvre-peintre qui montre que l’atelier n’est pas séparé de la vie.
Le simple visiteur voit dans l’atelier une pièce supplémentaire de la maison, un lieu de travail. Mais l’artiste ne limite pas son activité à l’intérieur de ces quatre murs, au contraire, l’extérieur permet d’enrichir son monde personnel.
C’est finalement le peintre qui est la nourriture de son œuvre. « L’œuvre est devenu un monstre à nourrir ». La nourriture que le peintre devra donner à sa création est faite de souvenirs, de tranches de vie, de son expérience. L’artiste n’est pleinement lui-même que lorsqu’il porte en lui le souci de l’œuvre à faire.
Les études préalables à l’oeuvre sont autant d’expériences faites par le peintre pour adapter la nature (ce qu’il s’est approprié de l’extérieur) à sa création. Le but de ces études est de donner à l’oeuvre une nourriture qui lui aille et au mieux la fortifie. Cependant l’artiste doit adapter les études faites pour qu’elles puissent être assimilées par l’oeuvre, qu’elles correspondent à la logique du tableau.
René Passeron qualifie l’artisan comme étant celui qui va adapter, varier les doses, supprimer des éléments pour agencer le tout sur la composition finale. C’est peut-être à cause de cet entrecroisement entre la vie du peintre et de son atelier que les artistes ont acquis la réputation d’être souvent la tête dans les nuages alors qu’ils ne font que réfléchir à leur oeuvre. En tout cas on me le dit régulièrement ^^.
Par contre, la toile en devenir, malgré l’aspect tyrannique exercée sur le peintre, est entièrement dépendante de lui. Le paradoxe de l’oeuvre est que bien qu’elle soit toujours en demande d’amélioration, elle est aussi un exemple de passivité.
La relation entre le peintre et son travail s’apparente en fait à un faux dialogue. Les questions sont faites par le peintre et chaque réponses données engendre une nouvelle demande plus précise que la précédente. L’oeuvre se fait moins vorace mais plus exigeante à mesure que le travail avance, tout le talent du peintre est mis en jeu lorsqu’il doit décider du point final.
Il doit arriver à conserver l’équilibre de sa création. La tension qui l’oppresse à ce moment là est comparable à celle d’une colonne de cube empilée auquel chaque élément ajouté en augmente la taille mais la rend plus vacillante.
Devant cet état, le peintre peut agir de deux manières ; soit il remet la réflexion sur le point final à plus tard (ce qui est mon cas lorsque je fais un long dessin ou une toute autre production qui me prend du temps ; soit il s’acharne en essayant de trouver un moyen de le terminer.
Le travail du peintre n’est donc encore une fois, pas une jouissance passive, mais une lutte du début à la fin, avec ses déceptions, ses abattements mais aussi son enthousiasme qui immerge d’une action créatrice. Le plaisir de peindre (à créer) ne vient pas uniquement de la facilité et de l’aisance.

La lenteur de peindre

Le bon peintre est celui qui calque son rythme de travail sur celui des matériaux. Une partie des artistes tentent d’imposer leur volonté sur eux alors que ce qui fait le « sérieux » de l’artisanat est justement le respect et la connaissance des éléments utilisés. Donc l’artiste ne se presse pas, il ne cherche pas à accomplir un quelconque record de production picturale.
Toutefois, il sait exactement à quel moment intervenir. Il n’y a qu’à voir l’exemple de l’encre sur papier et les différents effets qu’on peut obtenir en espaçant plus ou moins les coups de pinceaux dans le temps de séchage. Je pense à Vermeer (mon peintre préféré) par exemple, qui, de son vivant n’a réalisé qu’une trentaine de tableaux.
Le paradoxe pour être un bon peintre est qu’il faut être paresseux. D’une part à cause de cette prise en compte du rythme des matériaux mais également pour celui de l’oeil. Il faut apprendre le plaisir de flâner, de contempler, de laisser murir le regard.
Cet état de liberté volontaire sert à « desserrer l’étreinte de l’œuvre », à rompre l’accoutumance de l’œil (et en même temps celle de l’esprit). C’est important puisqu’avec le travail survient un affaiblissement de l’imaginaire de l’artiste. Il lui faut donc un temps de répit, une pause pour retrouver ses facultés créatrices.
Des peintres ont tout de même un moyen de ne pas être paresseux tout en bénéficiant d’une récréation pour leur esprit. Ceux-là exécutent plusieurs tableaux en même temps. Chacun de ces projets étant la récréation de l’autre, et aucun n’accapare entièrement l’attention du peintre. C’est très important de le noter puisque à un moment donné l’oeil se fatigue de travailler sur le même projet.
Ce n’est qu’avec de l’expérience que le peintre pourra sentir survenir les faiblesses du regard, les moments de « lâchage » de l’oeil, alors qu’au contraire la main ne demande qu’à travailler. « Dans l’art du chevalet, la bras se fatigue moins vite que le regard».
Il faut savoir ne pas insister quand cette accoutumance qui endort la vue, la rendant moins alerte, survient.
Le rythme du travail
Peindre n’est donc pas un travail régulier ni mécanique. De ce fait, la peinture est l’ennemie de la productivité industrielle. Peindre est une conduite où chaque geste est calculé, où chaque seconde apporte un choix à faire, et demande une initiative. Néanmoins, on peut se libérer de la besogne quand le cœur nous en dit (et heureusement d’ailleurs, la créativité s’exprime mal dans l’obligation).
La vitesse avec laquelle le peintre applique son médium sur la toile serait également liée à la confiance en soi. Cette confiance qui sous-entend un plaisir du travail mais également une grande rapidité dans les choix à faire. Passeron prend l’exemple de Picasso qui, lorsqu’il était au Beaux-Arts, terminait une toile en une journée alors qu’elle demandait un mois aux autres élèves.
L’achèvement de l’œuvre
Après l’avoir nourrie et y avoir passé beaucoup de son temps, d’y être revenu plusieurs fois, le tableau s’achève enfin.
L’artiste s’arrête au moment où il pense l’œuvre « réussie » et non « achevée ». Car après le dernier coup de pinceau il y a ce sentiment de vouloir « revenir dessus » qui subsiste. Surtout pendant la longue phase d’observation qui précède la réussite du tableau.
Après la dernière touche, l’artisan se plonge dans une méditation critique de son oeuvre, il la décortique de long en large. Cela en ayant ce sentiment de crainte d’y trouver quelque chose qui accroche l’oeil et en même temps l’espoir d’avoir une correction à apporter, afin de prolonger son plaisir de création.
Plusieurs sentiments à la fin de l’oeuvre poussent le créateur à livrer son travail au public :
  1. La fièvre de la création est passée. Il vaut mieux laisser les choses telles qu’elles sont plutôt que de risquer de gâcher ce qui a né d’un seul jet.
  2. La fatigue. Presqu’un écœurement de l’œuvre, de l’avoir trop travaillée. L’oeuvre vous « sort par les yeux » et vous n’avez qu’une envie, c’est de passer à autre chose.
  3. La conscience d’avoir réussi à atteindre un équilibre plastique des formes et couleurs qui vous satisfait. Tel Matisse qui recherche l’harmonie dans les formes pures et les tons.
  4. Une satisfaction de soi, d’avoir pu mener un projet d’œuvre à son terme. D’avoir pu faire les bons choix du début à la fin.
  5. L’abandon d’un tableau dont on se désintéresse. L’œuvre est une impasse. Elle soulève un problème qui mérite d’être traité sur une nouvelle peinture ou alors le peintre considère le tableau fini, comme moins important que le plaisir qu’il a trouvé pendant son exécution. « Passé le plaisir, adieu l’ouvrage ».
          Qu’est-ce qu’une toile aboutie ? D’un point de vue technique, c’est une toile qui correspond à l’intention qu’on avait avant de se lancer dans sa conception. D’un autre côté on peut aussi se dire que la toile est achevée lorsqu’elle est portée à la fin des possibilités qu’on peut lui ajouter.
          Tout est dit, que puis-je encore ajouter à cet équilibre que je viens de créer ? La peinture serait donc la manifestation physique d’un raisonnement, ainsi on peut finalement dire que c’est le peintre qui aboutit, qui conclut et non la toile.
          Si le peintre choisit d’apporter une retouche, celle-ci ne peut se faire que sur un détail de l’oeuvre. Il s’agit de réajuster des éléments, voir d’en ajouter mais de manière très légère, il faut pouvoir conserver la logique interne de la toile. Il ne s’agit pas de refaire le tableau. « La retouche est donc de ces touches finales dont l’éventail de possibilités est très réduit »

          Crédit photo : tramstras, melinprincesse

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          Alors, amis peintres, vous reconnaissez-vous dans ces quelques propos de René Passeron résumés ci-dessus par Roy ? Discutons-en dans les commentaires !  (^_-)