Il n’est pas rare qu’un enfant me dise : « Diane, quand je serai plus grand(e) je veux être artiste, comme toi ! »
Et oui nous les artistes avons toujours cette formidable étiquette qui nous colle à la peau : nous vivons dans la couleur, l’insouciance, le jeu permanent, loin de tout soucis (puisque nous dessinons c’est que nous n’en avons pas ! ) et loin de toute réalité aussi ! Pour les enfants c’est très attirant… pour leurs parents beaucoup moins !
Cet énervant et stupide cliché a la peau dure et je m’en vais tâner son cuir avec cette petite réflexion.
Vous êtes jeune (ou plus trop) ? Vous voulez être un artiste professionnel ? Alors suivez-moi, j’ai deux-trois choses à vous dire…
C’est quoi être un artiste pour de vrai ?
Un artiste n’est pas une créature hors norme détenant des super pouvoirs (quoique…). Un artiste est un travailleur indépendant, c’est à dire qu’il est son propre patron. Dans la mythologie grecque il s’apparenterait à une sorte d’hydre à plusieurs têtes, une pour chacune de ses casquettes. En effet, il est tour à tour secrétaire, marketeur, prospecteur, webmaster, comptable, manutentionnaire, représentant, gestionnaire de stocks, chargé de clientèle, responsable SAV, parfois prof… et créateur aussi. Il peut se faire aider et déléguer certaines tâches (comme la comptabilité ou la gestion de son site internet, par exemple) mais en règle générale il fait tout lui-même : c’est un entrepreneur ! Et, selon la loi de Pareto, pour que son entreprise soit viable notre artiste doit répartir ses tâches comme suit : 20 % pour la création pure et 80 % pour tout le reste de son activité.
Oui je sais c’est un peu déprimant quand on s’imagine qu’on va « faire artiste » pour buller toute la journée !
Mais attendez d’en savoir un peu plus…
Les compagnons de route de l’artiste…
Qu’il soit disciple de Legolas ou Katniss Everdeen, notre artiste professionnel est un bon archer qui a plusieurs cordes à son arc :
L’ORGANISATION : (surtout s’il est parent… j’y reviendrai dans un prochain article). Comme tous les indépendants il doit gérer son temps et planifier, chaque jour de sa semaine et chaque heure de sa journée s’il veut avancer.
LA STRATEGIE : Sans forcément se la jouer façon Jules César ou Napoléon, l’artiste professionnel se fixe des objectifs sur plusieurs années et se projette dans l’avenir. Il ne sait pas toujours comment il atteindra ses objectifs mais en véritable aventurier qu’il est, il ne s’en fait pas !
LA PASSION : Comme tout indépendant, l’artiste à son compte doit être passionné par son métier et s’y investir à 100 % !
L’EVOLUTION : Le monde bouge de plus en plus vite et l’artiste se doit d’évoluer. Certains suivront les courants de la mode pour développer leur business, d’autres élargiront leur champs d’action, d’autres encore développeront de nouveaux moyens d’expression. Tout dans le monde est mouvement. Tout dans la nature se renouvelle. Un artiste qui oublie cela, qui ne s’adapte pas et reste sur ses acquis se fermera bien des portes.
L’EXPERTISE : Plus il travaille, apprend, se forme, se développe, plus il nourrit l’artiste qu’il est et plus il enrichit son art. Il gagne en expérience et apprend beaucoup de ses erreurs (qui n’en sont pas s’il a le recul pour comprendre qu’elles lui permettent, au contraire, d’avancer).
LE SENTIMENT DE LIBERTE : L’artiste indépendant porte en lui cette espèce de privilège qui lui fait se regarder dans le miroir et se dire fièrement : « Je travaille pour moi ! » Et quand il pète un plomb (ça lui arrive quand il a fait une bonne vente notamment, mais comme il travaille seul personne ne le sait) il a tendance à se prendre pour le roi du monde !
Les sentiers épineux…
L’artiste à temps plein à beau avoir un carquois bien rempli, s’il ne fait pas preuve de quelques précautions sur son chemin, il sera à la merci du premier Troll venu à savoir :
LES RENTREES D’ARGENT FLUCTUANTES : Parce qu’un indépendant n’est pas un salarié, il ne peut pas penser comme un salarié. Il doit voir plus loin, anticiper et se bouger !
ACTION = REACTION
L’INDISCIPLINE : S’il ne supporte pas la contrainte nécessaire à sa survie et l’autodiscipline, l’artiste est, disons le clairement, mal barré ! La procrastination, la désorganisation et le « j’m’en foutisme » se feront un malin plaisir à s’acharner sur lui et à danser sur son cadavre ! L’artiste doit donc être un sage petit scarabée qui sait mesurer chaque mesure de sa démesure… et qui sait surtout rectifier le tir !
LA PAPERASSE, LA COMPTA, LES PROCEDURES : En règle générale il n’y a rien de plus ennuyeux pour un créatif que ces tâches ingrates d’exécutant ! L’artiste a alors deux solutions :
- emprunter la Dolorean de Marty Mac Fly pour remonter dans le passé se trouver un mécène,
- incarner pleinement le 21ème siècle et retrousser ses manches, parce que s’il est à son compte il doit assumer ! Point. Barre/
INTERNET ET LES RESEAUX SOCIAUX : Impossible d’y échapper ! L’artiste contemporain est un entrepreneur connecté qui communique par le biais de la technologie. Mais il s’agit d’une arme à double tranchant car à trop vouloir se connecter au monde on peut oublier de se connecter à soi… Une voie du milieu est donc à trouver pour ne pas sombrer dans l’ « artephagie » et la chronophagie…
Les pouvoirs magiques de l’artiste à temps plein
LA CONFIANCE : Les élèves de Poudlard ont leur « protego », l’artiste a sa confiance : en lui, en son projet, en la vie ! C’est son bouclier de protection contre toutes les attaques !
LA TENACITE : 25 fois il tombe, 26 fois il se relève ! Le knock-out n’est pas dans son vocabulaire… le mot « impossible » non plus !
LA RIGUEUR : A force de se questionner, de creuser et d’entendre tout et n’importe quoi concernant les différents statuts fiscaux liés à son activité, l’artiste professionnel peut devenir très rigoureux dans ce domaine, voire même particulièrement susceptible (c’est vrai quoi ! Il paie cher sa liberté ! ). Avant, il avait des amis salariés d’entreprises, peintres à mi-temps, non déclarés, vendant leurs toiles sous le manteau… mais ça c’était AVANT…
L’AUDACE : L’artiste indépendant a bien compris qu’on ne viendra pas le chercher. S’il est timide à la base il se soigne pour aller vers l’autre et proposer ses services, ses oeuvres, son travail. Fermez lui la porte, il passera par la fenêtre. Fermez lui la fenêtre, il défoncera le mur ! Si vous n’appréciez pas, d’autres trouveront ça génial ! ^^
LA FOLIE : Soyons honnêtes, pour vouloir être indépendant à notre époque où tout fout le camp il faut être un peu fou, voire carrément dingue ! Que l’on soit artiste ou non, le tempérament de l’indépendant on l’a ou pas ! Quand on ne l’a pas, on cherche une autre voie. Quand on l’a on fonce… et on y croit !
You can fly ! You can fly !
Aux orties le vieux cliché jauni de l’artiste-bohème-crève-misère ! Je ne dis pas que ce personnage n’existe plus… nourrit par l’inconscient collectif de certaines personnes ignares sur le sujet, le bonhomme peut encore avoir de belles années devant lui ! A moins que nous soyons plus nombreux encore à changer la donne en apportant du crédit à la profession d’artiste.
Artiste, un métier à temps plein, passionnant, exigeant, aventureux, difficile… mais pas impossible !
Et vous ? Seriez-vous prêt(e) à être artiste à temps plein ? Si vous l’êtes déjà quel est votre sentier épineux ? Votre pouvoir magique ?
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